Slovaquie réforme constitutionnelle controversée restreint LGBT+
Une réforme adoptée malgré les avertissements européens
Le Parlement slovaque a adopté, vendredi 25 septembre, un amendement constitutionnel réduisant les droits des personnes LGBT+ et affirmant la primauté du droit national sur les règles de l’Union européenne. Cette décision a été prise à l’initiative du Premier ministre Robert Fico, qui décrit cette réforme comme un « barrage constitutionnel face au progressisme ».
Une majorité obtenue malgré une opposition divisée
Sur les 150 membres que compte le Parlement slovaque, 90 députés présents sur 99 ont voté en faveur du texte. L’opposition, en grande partie absente du vote, a vu neuf de ses membres se joindre à la majorité, permettant l’adoption de l’amendement. Initialement prévu pour mercredi, le scrutin avait été reporté faute de consensus, avant d’être remis à l’agenda en fin de semaine.
Michal Simecka, dirigeant du parti d’opposition Progresivne Slovensko, a vivement dénoncé le vote, le qualifiant de « honteux » et accusant certains de ses collègues de trahir les principes démocratiques. Selon lui, cette réforme « nuira au peuple slovaque et remettra en question la place de la Slovaquie dans l’UE ».
Une conception conservatrice de la famille et du genre
Le texte adopté restreint les droits des couples de même sexe, limite les possibilités de changement de genre pour les personnes intersexuées et réserve l’adoption aux seuls couples mariés, sauf rares exceptions. Il affirme par ailleurs que « le sexe ne peut être modifié que pour des raisons sérieuses, selon des modalités définies par la loi ».
Le gouvernement s’appuie sur des principes qu’il juge traditionnels, revendiquant les « valeurs culturelles et spirituelles » slovaques pour justifier une conception binaire du genre, « masculin et féminin », déterminé à la naissance. Cette formulation s’inspire d’ailleurs des déclarations de l’ancien président américain Donald Trump lors de son investiture.
Une remise en cause du droit européen sur les questions sociétales
L’amendement affirme que la Slovaquie doit conserver sa « souveraineté » sur les sujets dits « culturels et éthiques », même au détriment des obligations européennes. Un positionnement critiqué par la Commission de Venise, organe du Conseil de l’Europe, qui rappelle que les États membres ne doivent pas opposer leurs législations nationales aux traités internationaux auxquels ils ont souscrit.
Membre de l’Union européenne depuis 2004, la Slovaquie s’est pourtant engagée à respecter les droits fondamentaux, ce qui rend cette réforme particulièrement sensible sur la scène européenne.
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Des précédents et un durcissement idéologique
Robert Fico n’en est pas à sa première réforme en la matière. Dès 2014, son gouvernement avait déjà inscrit dans la Constitution que le mariage est une union exclusive entre un homme et une femme. L’année suivante, un référendum pour interdire le mariage pour tous avait échoué en raison d’une trop faible participation.
Aujourd’hui, les écoles sont appelées à n’enseigner que des contenus conformes à la Constitution, une mesure perçue comme une tentative d’alignement idéologique du système éducatif.
Vives réactions de la société civile et de la communauté LGBT+
Martin Macko, directeur de l’ONG Iniciativa Inakost (Altérité), a dénoncé un texte qui « introduit de nouveaux obstacles dans le traitement de transition des personnes transgenres ». Il estime que cette réforme « cimente dans la loi fondamentale les inégalités ciblant les familles de couples de même sexe » et constitue « un premier pas concret nous éloignant de l’UE ».
Selon lui, cette initiative politique aurait également pour but de détourner l’attention de la crise politique actuelle, marquée par d’importantes manifestations en faveur de l’État de droit et contre un rapprochement du pays avec la Russie.
Un climat politique et social de plus en plus tendu
Depuis son retour au pouvoir en octobre 2023, le gouvernement nationaliste de Robert Fico a mis fin aux subventions destinées aux associations de défense des droits LGBT+. Une ministre a même tenu des propos polémiques, évoquant une « idéologie menant à l’extinction de la race blanche ».
Ce climat délétère fait écho à un drame survenu en 2022, lorsque deux hommes ont été tués dans un bar gay de Bratislava par le fils d’un militant d’extrême droite, un événement qui avait profondément marqué la communauté LGBT+ en Slovaquie.