« ÊTRE LGBT AU TRAVAIL » :
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Résultats d’une recherche en Suisse
Cette recherche a été réalisée par l’Institut des Etudes genre de l’Université de Genève
en collaboration avec la Fédération genevoise des associations lesbiennes, gay, bisexuelles
et transgenres (LGBT) au moyen d’un questionnaire diffusé par internet auprès des
associations LGBT de Suisse et dans les réseaux sociaux en 2014 (de mai à septembre).
Les objectifs du questionnaire visaient d’abord à recueillir des données qui font largement
défaut en Suisse sur les discriminations que vivent les personnes LGBT sur leur lieu
de travail dans 4 domaines :
◗ Stigmatisations verbales (blagues, stéréotypes, étiquetage, clichés) ;
◗ Harcèlement (moral et/ou sexuel) ;
◗ Mises à l’écart (de l’équipe, de projets intéressants ou d’évènements sociaux informels) ;
◗ Agressions physiques et sexuelles.
D’autres questions avaient pour objectif de saisir les sentiments de mal-être ou de bien-être
éprouvés par les personnes LGBT sur leur lieu de travail alors qu’un troisième volet
s’intéressait aux attitudes des entreprises face aux discriminations. En effet plusieurs
questions avaient pour but de saisir le degré d’engagement des entreprises dans
l’information et la prévention ou encore dans le domaine du traitement concret de cas
d’homophobie et de transphobie.
Les résultats de l’enquête proposent un constat qui, s’il n’est pas généralisable à l’ensemble
des entreprises ni des personnes LGBT, permet de prendre la température des conditions
de travail des personnes LGBT et de sensibiliser les entreprises, les syndicats et les pouvoirs
publics à cette question.
Qui a répondu au questionnaire ?
L’ensemble des réponses se monte à 1097, réparties en 5 catégories
Parmi les répondant.e.s, 118 personnes sont le parent légal, 17 le parent non-statutaire et 16 le parent
légal et non-statutaire d’un ou de plusieurs enfants pour un total de 151 personnes vivant dans des
familles arc-en-ciel2.
Est-on visible au travail ?
La question de la visibilité au travail est l’une des thématiques les plus analysées dans la littérature sur
les personnes LGBhttps://boutique-lgbtqia.fr/desciption-definition-lgbtqia/T au travail. Notre enquête posait un ensemble de questions qui permettent de saisir
le degré de visibilité des personnes homosexuelles et trans*3
que nous avons regroupé en 3 catégories :
Out : qui regroupe toutes les personnes ayant déclaré que « tout le monde est au courant de leur orientation sexuelle ou de leur transidentité »
Partiellement Out : qui regroupe les personnes ayant déclaré que « quelques personnes seulement sont
au courant de leur orientation sexuelle ou de leur transidentité »
In : qui regroupe les personnes ayant déclaré que « personne n’est au courant de leur orientation sexuelle
ou de leur transidentité ».
A titre de comparaison, une enquête réalisée par l’association Vogay
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en 1999 indiquait un taux d’invisibilité totale sur le lieu de travail de 35,5 % des répondant.e.s. On constate ainsi qu’en une 15aine d’années
la visibilité des personnes homosexuelles au travail s’est améliorée. Il ne faut toutefois pas en conclure
que les discriminations diminuent parallèlement à l’augmentation de la visibilité. Dans notre recherche,
nous avons en effet constaté que l’invisibilité ne protège pas des discriminations car les personnes qui
se déclarent totalement invisibles au travail déclarent subir, parfois de manière plus intense, différents
types de discriminations. La question de se rendre visible au travail demeure ainsi un choix personnel
et ne devrait pas constituer une injonction généralisée à « sortir du placard » car elle dépend du milieu
professionnel ou d’autres paramètres qui ne sont pas généralisables à l’ensemble des personnes LGBT.
On constate également que plus de 10 % des personnes vivant dans une famille arc-en-ciel est totalement invisible au travail et que globalement environ 50 % des répondant.e.s qui sont parents
n’ont pas mis au courant l’ensemble de leur collègues ainsi que les instances dirigeantes de leur entreprise. Quant
aux personnes trans, leur situation est moins facilement comparable avec celles des homosexuel.le.s.
En effet nous supposons que les personnes qui se déclarent In ont réalisé une transition avant de prendre leur emploi actuel et ont caché ce fait à leur employeur ou alors elles se définissent comme trans mais
n’ont pas encore entrepris les démarches pour effectuer la transition. Leur taux de visibilité totale Out
est plus élevé en raison du fait qu’il est plus compliqué, voire impossible, de cacher une transition et plus
encore si elle se réalise en cours d’emploi.
Les femmes homosexuelles sont en moyenne moins souvent totalement Out que les hommes. Elles préfèrent une visibilité partielle (faire part de leur homosexualité à quelques collègues considérés comme
bienveillant.e.s par exemple). La raison de cette différence peut s’expliquer par un certain sexisme dans
le monde du travail qui pousse les lesbiennes à cacher leur orientation sexuelle.
Le type de discriminations
Globalement environ 70 % des personnes homosexuelles qui ont répondu à notre questionnaire ont
déclaré avoir été témoins de formes de discrimination durant les 3 dernière années. Il ne s’agit pas
de discriminations qui leur étaient directement adressées, mais d’un climat de travail homophobe ou
transphobe, voire hétérosexiste6
, qui peut peser sur leur bien-être au travail ou qui peut influencer la
décision de « sortir du placard ». Les formes les plus courantes sont la blague, le stéréotype, les clichés,
les préjugés qui touchent en particulier les gays comme hommes efféminés et pas assez virils « Fiotte ;
travelo ; voilà la tapette à sacoche » ou encore qui expriment une volonté de marginalisation « On ne peut
pas engager tel mec car il ne peut pas s’intégrer il fait trop gay ; tant que les homos restent à leur place il
n’y a pas de soucis ; s’il est gay il ne faut pas qu’il me touche »7
. On constate, comme cela a été le cas par
exemple dans des études réalisées au Québec, que ces formes de stigmatisation touchent plutôt les gays.
Les lesbiennes quant à elles rapportent des propos tentant d’expliquer l’homosexualité féminine par
« un excès de testostérone » par exemple ou encore des insultes comme « gouine » ou des stéréotypes de
« la camionneuse, la femme qui s’habille comme un mec ou qui parle comme un mec etc… ». Ce climat
de travail fait planer, selon certain.e.s, un doute sur l’opportunité ou non de dévoiler son orientation
sexuelle et affecte également les personnes trans* du fait qu’elles touchent souvent à des questions
d’identité de genre.
La liste ci-dessous nous montre les comportements discriminatoires les plus fréquemment vécus dans
les 3 dernières années par les personnes homosexuelles ayant répondu au questionnaire :
L’intensité des discriminations n’est pas toujours la même lorsqu’elles s’adressent aux gays ou aux
lesbiennes. La différence est significative dans ces trois domaines :
Ces données montrent que la lesbophobie s’articule avec le sexisme qui est présent dans le monde
du travail à l’encontre des femmes (qu’elles soient homosexuelles ou non). En effet, indépendamment
de l’orientation sexuelle, les comportements de harcèlement sexuel, la pression sur le corps ou globalement sur l’esthétique des femmes sont des phénomènes que la sociologie de travail a mis en lumière
depuis qu’elle a investi le domaine de l’analyse de genre.
Quant aux personnes trans*, quelques données comparatives avec les réponses des personnes homosexuel.le.s montrent qu’elles sont plus fortement touchées par les discriminations :
Ces informations nous donnent à penser que ce qui plus pose problème et qui provoque davantage les
comportements discriminants n’est pas l’orientation sexuelle en tant que telle mais la non-conformité
entre le sexe assigné à la naissance et le genre. L’exemple des trans* est très parlant et nos résultats
montrent qu’il est urgent d’agir afin que ces personnes soient protégées.
Les familles arc-en-ciel ne sont pas exemptes des expériences de la discrimination. Plusieurs parents
qui ont répondu à notre questionnaire ont souligné l’effet parfois néfaste des manifestations qui ont eu
lieu en France contre le « mariage pour tous » en 2012 et 2013. En effet, si d’un côté ces évènements
ont permis d’ouvrir la discussion sur l’homoparentalité et ainsi favoriser le débat public et l’information,
de l’autre cela a pu également constituer une bonne occasion de proférer un ensemble de jugements
négatifs sur l’homoparentalité.
La moitié des répondant.e.s a entendu des propos péjoratifs sur les familles arc-en-ciel en général dans
les 3 dernières années.