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Lutte contre l’homophobie en Mongolie : quand humour et musique deviennent des armes de visibilité

Lutte contre l’homophobie en Mongolie
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Lutte contre l’homophobie en Mongolie

Une influenceuse transgenre en quête de reconnaissance

Anudari Daarya, une pianiste mongole de 25 ans, rayonne aujourd’hui sur les réseaux sociaux avec des clichés glamour et insouciants diffusés sur TikTok, Facebook ou Instagram. Derrière cette apparente légèreté se cache un parcours semé d’embûches. Née homme, elle a dû surmonter de nombreux obstacles pour affirmer son identité de femme transgenre dans une société encore marquée par des normes sociales conservatrices.

Daarya incarne une nouvelle génération de personnes LGBT+ en Mongolie qui remettent en cause les stéréotypes et militent pour une meilleure représentation. Pourtant, beaucoup d’entre elles préfèrent rester discrètes, notamment dans leur vie professionnelle, par peur des discriminations. Une étude du LGBT Centre Mongolia révèle que seules 20 % des personnes interrogées sont prêtes à faire leur coming-out au travail. Daarya elle-même raconte avoir été rejetée par ses camarades à l’université des arts dès le début de sa transition. « Je croyais naïvement que ces futurs artistes et professeurs d’art accueilleraient ma transition avec bienveillance », témoigne-t-elle.

Après l’obtention de son diplôme, toutes ses tentatives pour décrocher un emploi ont échoué. Elle affirme avoir attendu trois mois sans réponse de la part du Conservatoire d’État de Mongolie, avant d’apprendre officieusement que « l’administration estime que quelqu’un comme toi ne peut pas travailler avec des enfants ». L’établissement a toutefois précisé à l’AFP que l’année de sa candidature, aucun nouveau poste n’était à pourvoir, assurant que ses choix de recrutement se fondent sur les compétences, sans considération pour la religion ou l’orientation sexuelle.

Une notoriété soudaine grâce à une vidéo virale

La vie de Daarya bascule lorsque l’une de ses vidéos, où elle donne un cours de piano, devient virale sur internet. Ce succès inattendu lui ouvre de nouvelles portes : elle devient professeure de piano, musicienne reconnue et mannequin pour des marques locales. Cette visibilité nouvelle transforme radicalement sa carrière, et lui permet de vivre de sa passion, tout en portant haut la voix des personnes transgenres dans son pays.

L’humour au service de la cause LGBT+

À l’instar de Daarya, d’autres artistes s’engagent, mais avec d’autres moyens d’expression. Khulan Batbaatar, humoriste lesbienne non-binaire connue sous le nom de scène « Kena », utilise le rire pour aborder les questions LGBT+. Membre du collectif « Big Sistas », qui milite pour la reconnaissance de la diversité de genre, elle évolue dans un univers comique encore très dominé par les hommes et les blagues sexistes.

« Jeune, je n’ai jamais vu de personne LGBT heureuse. Tous mes modèles ont vu leurs vies brisées par l’homophobie », confie Kena. Aujourd’hui, elle veut montrer à ses jeunes abonnés qu’il est possible de réussir et de s’épanouir. Sur scène, elle mêle récits de vie personnelle et humour du quotidien. « Quand on parle de nos problèmes avec humour et que nos histoires sont bien racontées, ça fait mouche », explique-t-elle.

Une réalité sociale encore difficile

Malgré ces figures inspirantes, la vie des personnes LGBT+ en Mongolie reste marquée par l’exclusion et la précarité. Tseveenravdan Tsogbat, directeur de l’ONG Youth Lead Mongolia, souligne les défis persistants : les discriminations dans les établissements scolaires poussent nombre d’adolescents, surtout transgenres, à quitter l’école prématurément. Sans diplôme, ils se retrouvent cantonnés à des emplois mal rémunérés, souvent insuffisants pour subvenir à leurs besoins.

Une étude du LGBT Centre Mongolia indique que 27 % des personnes LGBT vivent avec un revenu inférieur au salaire minimum, fixé à 420 000 tugriks (environ 108 euros). Certains sont même chassés de chez eux par leur famille. « C’est pour cela qu’on dit souvent qu’il ne faut pas faire son coming-out en hiver », ironise Tseveenravdan, en référence aux températures qui peuvent descendre jusqu’à -40 °C, un danger mortel pour ceux qui se retrouvent sans abri. « Quand les gens voient Daarya, ils pensent que la vie des personnes transgenres est facile (…) Ils ignorent la réalité de notre quotidien », ajoute-t-il.

Des figures de visibilité qui font évoluer les mentalités

Malgré ce contexte difficile, certains perçoivent des signes d’espoir. Anuka Anar, une personne non-binaire de 22 ans vivant à Oulan-Bator, se réjouit de voir émerger des figures publiques assumant pleinement leur identité. « Certains parents demandent à leurs enfants de cacher qui ils sont, par peur de l’homophobie. Mais quand ils voient que des membres de cette communauté deviennent des personnalités publiques, ils comprennent que leurs enfants aussi peuvent être aimés », affirme Anuka.

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