Un nouveau front culturel dans les salles de classe italiennes
ROME — Le gouvernement de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, alliée proche de l’ancien président américain Donald Trump, étend sa bataille culturelle au système éducatif. Un projet de loi débattu à la Chambre des députés vise à interdire l’enseignement de la « relativité de genre » dans les écoles maternelles et primaires, tout en renforçant le droit des parents à contrôler les contenus liés à la « sexualité » dans les classes supérieures.
Le texte, comparé à la loi « Don’t Say Gay » de la Floride, rappelle également les initiatives menées en Europe de l’Est pour bannir les thématiques LGBTQ+ de l’enseignement. Des amendements envisagés iraient plus loin, en interdisant aux mineur·es transgenres de rejoindre des équipes sportives non conformes à leur sexe de naissance, et en complexifiant le processus permettant à ces élèves d’être reconnus à l’école sous leur prénom et genre choisis.
Une tendance conservatrice qui s’étend
Ce projet s’inscrit dans une dynamique plus large observée tant en Europe qu’aux États-Unis, où des gouvernements conservateurs cherchent à limiter les discussions LGBTQ+ à l’école et à restreindre l’accès aux soins de transition pour les mineurs trans. Des mesures similaires ont déjà été adoptées en Hongrie, en Bulgarie et plus récemment en Slovaquie, qui a officiellement reconnu uniquement deux genres et modifié sa Constitution pour interdire l’adoption aux couples non mariés de sexe opposé, tout en proscrivant la gestation pour autrui.
En Italie, l’adoption du texte semble probable compte tenu de la majorité parlementaire détenue par la coalition de Meloni. Cette offensive s’inscrit dans une stratégie plus large qualifiée d’« anti-woke », visant aussi à durcir les politiques migratoires, à remettre en question les politiques climatiques et à promouvoir des valeurs familiales traditionnelles.
Des « droits parentaux » renforcés
Le ministre de l’Éducation Giuseppe Valditara défend la loi comme un moyen de préserver la « sérénité des enfants ». Il affirme que le texte vise à renforcer le rôle des parents dans les enseignements abordant la « théorie du genre » et la sexualité LGBTQ+. Il précise toutefois que l’enseignement de la non-discrimination reste couvert par les directives gouvernementales sur le respect de la diversité.
« Ce sont simplement des mesures de bon sens qui protègent la sérénité des enfants, qui à un âge aussi jeune ont le droit de ne pas être exposés à des théories pouvant les troubler », a déclaré Valditara. « Lorsqu’ils seront plus grands… ils pourront aborder ces sujets avec plus de discernement. »
Des soins de transition également ciblés
En parallèle, un autre texte sera débattu pour encadrer plus strictement les soins liés à la transition de genre pour les mineurs. Une dynamique également observée aux États-Unis, où plusieurs États cherchent à restreindre, voire interdire, le financement public de ces soins. En Europe, des pays comme le Royaume-Uni, la France, la Suède ou la Finlande ont également adopté des lignes directrices plus restrictives.
Des craintes pour la liberté académique
Des organisations de défense des droits alertent sur le risque de censure académique. Pour Bella FitzPatrick, directrice exécutive de l’organisation IGLYO basée à Bruxelles, le texte constitue un outil de musellement.
« Même si l’on n’avait pas d’opinion sur les droits LGBT, ce projet de loi représente une attaque contre la liberté d’expression dans le milieu éducatif », estime-t-elle.
Une politique familiale conservatrice assumée
Le gouvernement Meloni, issu d’un parti héritier du post-fascisme italien, cherche à s’imposer à l’international comme un modèle de conservatisme « traditionnel ». En 2023, il a fait adopter l’une des lois les plus strictes d’Europe contre la gestation pour autrui à l’international. Les couples de même sexe, déjà exclus de l’adoption, se retrouvent privés de la dernière voie légale pour fonder une famille. Une circulaire interdit désormais aussi aux mairies d’enregistrer les enfants de couples homosexuels — une mesure contestée devant les tribunaux.
« La famille d’abord », selon les soutiens du texte
Pour les partisans de la réforme, il ne s’agit pas d’interdire, mais de défendre les valeurs familiales.
« La vague woke est arrivée en Italie, et la Ligue tente de freiner cette dérive », a déclaré Rossano Sasso, député de la Ligue, membre de la coalition au pouvoir. « En bons Italiens, nous plaçons la famille au centre. On ne dit pas “ne dites pas gay”, on dit “la famille d’abord”. »
En pratique, peu d’écoles italiennes abordent la question de la fluidité de genre. Certaines ont toutefois permis à des élèves trans de vivre leur scolarité sous une « identité d’alias », leur permettant d’utiliser des prénoms choisis et d’accéder aux espaces conformes à leur genre ressenti. Une étude de 2024 révèle que 249 établissements pratiquent cette forme d’inclusion.
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Les syndicats d’enseignants tirent la sonnette d’alarme
Les syndicats dénoncent une disposition du projet de loi obligeant les écoles à transmettre aux parents, sept jours à l’avance, le contenu détaillé des cours sensibles — une mesure jugée inapplicable.
« Vous portez atteinte au droit à l’éducation des élèves », affirme Manuela Calza, du secrétariat national de la Confédération générale des syndicats italiens. « L’obsession du gouvernement, c’est la théorie du genre, qu’il ne définit jamais. Tout est vu sous une logique binaire, niant la diversité réelle présente dans nos écoles. »
Des familles transgenres déjà inquiètes
Un amendement au projet de loi obligerait les familles à entamer une procédure légale de changement de genre avant que l’élève puisse être reconnu autrement que par son sexe de naissance à l’école. Les défenseurs du texte assurent qu’une simple attestation médicale pourrait suffire, mais les parents redoutent une mise en œuvre inégale selon les établissements.
Claudia, mère d’une fille transgenre de 11 ans à Rome, exprime son inquiétude.
« Elle nous a dit qu’elle ne voulait plus vivre si elle devait aller à l’école sous son prénom et sexe de naissance », confie Claudia. « C’est inacceptable que des enfants ne puissent plus envisager leur avenir. Voilà pourquoi je suis à la fois en colère et effrayée. »
Alors que le projet de loi poursuit son chemin parlementaire, l’Italie se retrouve au cœur d’un débat brûlant sur l’équilibre entre droits parentaux, liberté pédagogique et protection des jeunes LGBTQ+.






