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Sortie Fuori en Salles ce 3 Décembre

Sortie Fuori en Salles ce 3 Décembre
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Avec Fuori, en salles ce 3 décembre, Mario Martone signe l’un de ses films les plus intimes et les plus politiques. Le réalisateur napolitain ravive la présence incandescente de Goliarda Sapienza, écrivaine italienne devenue culte depuis la parution posthume de L’Art de la joie. Mais loin de s’appuyer sur le roman qui l’a fait entrer au panthéon littéraire, Martone choisit une autre porte d’entrée : celle de la prison, de la vulnérabilité et du désir féminin qui cherche à exister malgré les carcans.

Une plongée dans l’ombre d’une artiste méconnue

Loin de proposer une biographie linéaire, Fuori s’inspire surtout de deux ouvrages autobiographiques – L’Université de Rebibbia et Les Certitudes du doute – dans lesquels Sapienza décrit avec une précision sensorielle son bref passage en détention en 1980. Ruinée, isolée, poussée à un geste désespéré, elle se retrouve incarcérée pour le vol de bijoux.
Mais Martone ne filme pas ce moment comme une faute : il en fait un révélateur. Dans l’univers carcéral féminin, la caméra observe, écoute, capte les micro-gestes qui tracent la survie, la solidarité ou l’effritement de soi. Aucun voyeurisme, mais une attention presque documentaire à ces existences mises à l’écart.

Sapienza, interprétée avec une douceur farouche par Valeria Golino, apparaît d’emblée comme une femme que rien n’a jamais réellement contenue : ni la pauvreté, ni la norme, ni même les institutions politiques ou culturelles qui l’ont souvent rejetée.

« Fuori » : le dehors comme fracture et comme promesse

Le titre – Fuori, « dehors » en italien – ne se limite pas à l’après-prison. Il évoque tout ce à quoi Sapienza appartient : un espace hors-cadre, hors-genre, hors-des récits lisses que l’Italie des années 1980 se raconte encore à elle-même.
Le film s’attarde sur ce moment fragile de réintégration, lorsque Goliarda retrouve Roberta, jeune femme marquée par l’héroïne, la violence sociale et un passé brisé. Leur relation est le cœur battant du récit.

Une relation complexe, entre soin, désir et troubles intérieurs

Roberta, splendide personnage de chaos et de fragilité, cristallise toutes les contradictions d’un désir lesbien encore impossible à nommer.
Elle vacille entre fascination et peur, entre attirance et auto-défense, prisonnière d’un système qui ne lui a jamais appris à se penser autrement que dans la survie.

Face à elle, Sapienza est d’une désarmante liberté. Elle n’impose rien. Elle accueille, elle écoute, elle laisse l’espace du possible s’ouvrir. Là où Roberta avance dans le brouillard, Goliarda marche avec la certitude qu’a une femme qui a trop souvent payé le prix de sa sincérité pour encore refouler ce qu’elle est.

Martone filme cette dynamique avec une subtilité rare : pas de romantisation, pas de drame forcé, mais une tension douce, charnelle, intellectuelle. Fuori devient alors un film sur les liens qui hésitent entre amitié et amour, sur le désir imprononcé, sur la peur d’aimer lorsque l’amour lui-même a longtemps été confisqué.

Goliarda Sapienza, une figure queer avant l’heure

L’une des forces du film est de redonner à Sapienza sa dimension profondément queer – au sens large, politique, indisciplinée du terme.
Elle qui a été comédienne, militante, écrivaine, épouse d’un intellectuel tout en vivant des relations intenses avec des femmes, traverse le récit comme une femme en rupture permanente avec l’ordre établi.

Martone ne la sanctifie pas : il la montre vulnérable, abîmée, parfois perdue. Mais jamais résignée.
Ce refus de plier est précisément ce qui a fait de Sapienza une autrice aussi radicale : sa vie entière semble animée par la recherche d’une joie non négociable, d’une liberté affective et sexuelle affranchie des attentes sociales.

Valeria Golino, magistrale de nuance, joue cette complexité avec le souffle d’une actrice qui sait habiter les contradictions sans chercher à les résoudre.


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Une œuvre qui résonne avec le présent

Si Fuori parle des années 1980, le film sonne étrangement contemporain.
Dans un contexte où les droits des minorités reculent, où les normes ressurgissent sous des formes nouvelles, le portrait de Sapienza résonne comme une invitation à penser ce que signifie être « dehors » aujourd’hui :
hors du patriarcat, hors de l’hétéronormativité, hors des récits dominants.

Martone signe ainsi un film à la fois intime et politique, où l’on comprend que la liberté n’est pas un état mais une pratique quotidienne, fragile, exigeante.

Un hommage lumineux à celles qui n’entrent pas dans les cases

En ressuscitant Goliarda Sapienza, Fuori ne se contente pas de célébrer une autrice culte. Le film fait exister une lignée de femmes – artistes, prisonnières, amantes, marginales – dont l’histoire a longtemps été écrite par d’autres, ou pas écrite du tout.

C’est un cinéma de réparation, de réappropriation et de reconnaissance.
Un cinéma qui rappelle que le désir lesbien n’a pas toujours pu se dire, et que cette impossibilité laisse des marques encore aujourd’hui.


Pour en savoir plus sur la sortie et le contexte du film, tu peux consulter l’article dédié sur la boutique-LGBTQI+ : Cannes 2025 – Fuori.

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