Lesbiennes Look Androgyne
Introduction : Entre genre et expression de soi
La mode n’est jamais neutre. Elle exprime nos goûts, nos affiliations, parfois nos révoltes. Pour certaines lesbiennes, adopter un look androgyne n’est pas qu’une affaire de style, c’est une démarche identitaire, politique et culturelle. Mais pourquoi ce choix, souvent incompris, attire-t-il autant l’attention ? Que révèle-t-il du rapport entre genre, orientation sexuelle et expression de soi ?
Dans cet article, nous allons explorer en profondeur les raisons pour lesquelles certaines lesbiennes choisissent un look androgyne, en tenant compte des aspects historiques, sociaux, culturels et émotionnels. Nous verrons que ce style dépasse largement les clichés, et qu’il s’inscrit dans une quête d’authenticité et de liberté.
Qu’est-ce qu’un look androgyne ?
Définition et caractéristiques
Le look androgyne désigne une esthétique qui brouille les codes traditionnels du genre. Ni totalement masculine, ni totalement féminine, cette présentation fait appel à des éléments vestimentaires, capillaires ou corporels qui sortent du binaire homme/femme. Vêtements amples, coupes courtes, couleurs neutres, absence de maquillage ou d’accessoires « genrés » : autant de signes qui rendent ce style reconnaissable.
Mais attention : l’androgynie n’est pas l’apanage des lesbiennes. Des célébrités comme David Bowie, Tilda Swinton ou encore Janelle Monáe ont popularisé ce style dans des contextes très différents. Chez les lesbiennes, cependant, l’androgynie prend une dimension singulière.
Un héritage historique dans les communautés lesbiennes
Le lesbianisme et la transgression des normes de genre
Dès les années 1920-30, dans les cercles underground des grandes villes occidentales, certaines lesbiennes adoptent des vêtements masculins pour revendiquer leur indépendance et leur identité. Ces pionnières du look androgyne ont souvent été persécutées, mais elles ont posé les bases d’une esthétique queer.
Pendant les années 70, dans le sillage du mouvement féministe, de nombreuses lesbiennes rejettent les injonctions de féminité imposées par la société patriarcale. Les vêtements jugés trop « féminins » sont vus comme des symboles d’oppression. Résultat : cheveux courts, jeans, chemises d’homme, chaussures plates deviennent des emblèmes d’émancipation.
Le style butch/fem : une dynamique identitaire
Le look androgyne s’inscrit aussi dans une tradition de rôles au sein des couples lesbiens, avec des codes comme le style butch (masculin) et femme (féminin). Bien que ces rôles soient aujourd’hui plus fluides, ils ont influencé la manière dont certaines lesbiennes se présentent et interagissent. Le style butch, souvent confondu avec l’androgynie, en est une variation plus marquée.
Une expression de l’identité de genre
Refuser les normes hétéronormées
Adopter un look androgyne, c’est parfois refuser d’être perçue selon les codes hétéronormés. Dans une société qui attend des femmes qu’elles soient séduisantes, maquillées et conformes à un idéal masculin, certaines lesbiennes rejettent cette attente. L’androgynie devient alors une manière de sortir du regard des hommes et de vivre pour soi.

Interroger les limites entre genre et orientation
Certaines lesbiennes qui s’identifient aussi comme gender non-conforming, non-binaires, ou en exploration de leur identité de genre, utilisent l’androgynie comme espace de liberté. Cela permet d’habiter un entre-deux qui échappe aux catégorisations rigides.
Ce choix esthétique peut ainsi être profondément intime, révélateur d’un vécu, d’un rapport particulier au corps et à la société.
Lire aussi : L’Évolution de la Visibilité Butch dans les Médias
Le look androgyne comme protection
Un bouclier contre l’hypersexualisation
Les femmes, dans l’espace public, sont souvent réduites à des objets de désir. Certaines lesbiennes adoptent un look androgyne pour échapper à cette sexualisation constante, particulièrement pesante lorsqu’on ne cherche pas à séduire les hommes.
En effaçant les signes associés à la féminité traditionnelle (talons, maquillage, robes), elles reprennent le contrôle sur la manière dont leur corps est perçu.
Se rendre visible dans sa différence
À l’inverse, l’androgynie peut aussi être un acte de visibilité lesbienne. Dans une société où l’hétérosexualité est présumée par défaut, les codes visuels deviennent des marqueurs identitaires. Une coupe de cheveux, une veste masculine, une démarche peuvent envoyer un message : « je ne suis pas hétéro ».
Ce langage corporel permet de se reconnaître entre lesbiennes, notamment dans les milieux où il est difficile de verbaliser son orientation.
Une esthétique assumée et revendiquée
Une mode qui a ses icônes
Des personnalités lesbiennes comme Ruby Rose, Kristen Stewart, Samantha Fox, ou Tegan and Sara ont contribué à rendre l’androgynie sexy, puissante et légitime. Elles inspirent des milliers de femmes à s’habiller selon leurs envies, sans chercher à plaire aux hommes.
L’influence de la culture queer et de la mode streetwear
Le développement de marques queer-friendly, le succès du style tomboy, du streetwear genderless ou encore de la mode inclusive a ouvert la voie à une multitude de variations autour du look androgyne. On n’est plus dans une logique de rejet, mais de création.
Ce look est devenu désirable, stylé, et même tendance. Et les lesbiennes ne sont pas les seules à l’adopter : il séduit aussi les femmes hétéros, les hommes queer, les personnes non-binaires… preuve de sa puissance esthétique.
Les clichés et critiques persistants
Une stigmatisation encore présente
Certaines lesbiennes qui adoptent un style androgyne sont victimes de préjugés, y compris dans la communauté LGBT elle-même. On les accuse d’être trop masculines, de se « déguiser », de ne pas être assez féminines. Ces remarques sont souvent violentes et sexistes, renforçant une vision binaire et hétéronormée du genre.
L’injonction à « rester féminine »
Beaucoup de femmes lesbiennes ont déjà entendu : « tu serais si jolie avec les cheveux longs », ou « tu devrais mettre une robe de temps en temps ». Ces phrases banales traduisent une pression sociale immense, qui pousse à rester dans le cadre attendu.
L’androgynie devient donc une résistance silencieuse, un moyen de s’affirmer sans devoir constamment se justifier.
Une réappropriation de son image
La mode comme outil de pouvoir
Quand on vit dans un monde où son identité est souvent invisibilisée ou mal comprise, choisir son style devient un acte de pouvoir. Pour les lesbiennes qui adoptent un look androgyne, il ne s’agit pas de se cacher, mais de se montrer autrement. De dire : « voilà qui je suis », sans avoir besoin de correspondre à un idéal hétéro.
Une quête de confort et d’authenticité
Il ne faut pas oublier que l’androgynie, c’est aussi une affaire de confort. Certaines lesbiennes se sentent simplement mieux en pantalon large qu’en jupe serrée, en baskets qu’en talons. Le style androgyne n’est pas toujours militant : il est parfois simplement cohérent avec ce qu’on est au fond de soi.
En résumé : Un style, une liberté
Le look androgyne chez les lesbiennes ne peut être réduit à un simple choix esthétique. Il est souvent le reflet d’un vécu, d’une position dans la société, d’une volonté de s’affranchir des normes. Ce style est à la fois intime et politique, discret et assumé, marginal et tendance.
En brouillant les lignes entre féminin et masculin, l’androgynie lesbienne ouvre un espace nouveau, plus libre, plus juste, où chacun·e peut enfin s’habiller, se montrer, exister… comme iel est.