Harcèlement Scolaire et Violences de genre à l’école
Une étude alarmante du Centre Hubertine-Auclert
Le Centre Hubertine-Auclert a publié ce jeudi 6 novembre une étude révélant l’ampleur préoccupante des violences et cyberviolences sexistes et sexuelles subies par les collégiens et lycéens, en particulier les filles et les jeunes LGBT+. Réalisée en collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale, cette enquête s’est déroulée sur quatre années et s’appuie sur les réponses de près de 4 000 adolescents franciliens âgés de 11 à 18 ans. Les résultats mettent en lumière une exposition accrue aux violences psychologiques, sexuelles et numériques dans les établissements scolaires.
Des violences genrées et sexualisées banalisées
Selon les données récoltées, 83 % des filles déclarent avoir subi au moins une forme de violence ou de cyberviolence psychologique au cours des douze derniers mois. Près de la moitié ont également rapporté des violences à caractère sexuel, ce qui représente un écart d’environ dix points par rapport à leurs camarades masculins. Du côté des élèves LGBT+, les chiffres sont tout aussi alarmants : 78 % des filles et 69 % des garçons LGBT+ indiquent avoir été victimes de violences ou de cyberviolences sexuelles.
Les chercheurs dénoncent la persistance d’un système hétérocisnormatif à l’école, qui valorise l’hétérosexualité et les normes de genre traditionnelles. « Le double standard hétérocisnormatif, prédominant dans l’ensemble de la société, sévit donc avec vigueur dans les établissements scolaires », explique l’équipe de recherche.
Des normes de genre rigides dès l’entrée au collège
L’étude souligne également que les garçons se voient imposer très tôt des injonctions à la virilité, à travers la nécessité de démontrer leur force physique et leur conformité à l’hétérosexualité. En parallèle, les filles et les jeunes LGBT+ doivent faire preuve de pudeur et de discrétion, au risque d’être sanctionnés socialement s’ils s’écartent de ces normes.
« Les personnes LGBTQIA+, en particulier les personnes trans et non-binaires, sont les plus exposées aux violences parce qu’elles transgressent ces normes sociales dominantes », précise Charlotte Baelde, présidente du Centre Hubertine-Auclert. Ces agressions se manifestent souvent à travers des cyberviolences, majoritairement perpétrées par des garçons au sein même des établissements.
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Des risques accrus pour les filles
Être une fille augmente de 65 % la probabilité d’être la cible de violences psychologiques à haute intensité (c’est-à-dire plus de cinq agressions sur une année), et de 57 % pour les violences sexuelles. Ces actes incluent notamment la diffusion non autorisée de contenus intimes. Laura Pereira Diogo, aujourd’hui doctorante et cofondatrice de l’association StopFisha, en a été victime au lycée lorsqu’un ami a diffusé à son insu une vidéo intime captée via FaceTime.
« D’autres personnes l’ont sauvegardée à leur tour, et de là est partie une diffusion un peu partout », raconte-t-elle. Après cette attaque, elle a dû faire face à des insultes et des menaces dans les couloirs de son lycée. « Quelques personnes venaient directement m’insulter ou me menacer. À tel point que je me suis battue dans le lycée », confie-t-elle.
Le silence des victimes et les stratégies d’effacement
Malgré la gravité des faits, seule une minorité de victimes — environ un quart — se tourne vers des adultes ou des structures d’aide, et ce souvent en dernier recours. Beaucoup, comme Laura Pereira Diogo, choisissent de se taire de peur des répercussions familiales ou institutionnelles. « Mon but, c’était que ça se tasse le plus possible », explique-t-elle.
Les jeunes concerné·es développent alors des stratégies d’autoprotection : éviter d’attirer l’attention, se censurer en ligne ou modifier leur comportement. Ces ajustements renforcent leur invisibilisation et nuisent à leur santé mentale et physique.
Une nécessité d’agir dès l’école
L’un des problèmes majeurs pointés par l’étude est la difficulté des élèves à identifier les dimensions sexistes ou LGBTphobes des violences subies. « Les élèves ont eu du mal à identifier des motifs sexistes ou LGBTphobes derrière ces attaques », observe Charlotte Baelde.
Pour le Centre Hubertine-Auclert, il est essentiel d’éduquer dès le plus jeune âge pour prévenir ces comportements, sensibiliser les élèves aux normes sociales oppressives et responsabiliser les auteurs. Toutefois, la prévention numérique ne doit pas occulter la question des inégalités de genre. D’autant plus que les idées masculinistes gagnent du terrain chez certains jeunes hommes, comme le souligne le rapport 2025 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour Laura Pereira Diogo, son engagement militant dans l’association StopFisha reste un espace de reconstruction : « C’est ma thérapie militante », affirme-t-elle.






