extrême Droite Fragilise Communauté LGBTIQ+
Une stratégie bien rodée : créer la peur et désigner un bouc émissaire
De Washington à Budapest, l’extrême droite applique une stratégie politique familière : provoquer une panique morale pour mieux fragmenter les communautés. Aujourd’hui, cette méthode vise spécifiquement les personnes LGBTIQ+. Le mécanisme consiste à flatter les membres les plus « intégrés » – souvent des personnes cisgenres blanches homosexuelles – en leur promettant la préservation de leurs droits, tout en désignant les personnes trans et non-binaires comme sources de troubles.
Cette tactique exploite une peur sociale profonde : celle de perdre des acquis durement gagnés. Les partis conservateurs s’adressent ainsi à un sous-groupe précis de la communauté, perçu comme plus « acceptable » aux yeux de la société dominante, pour les amener à prendre leurs distances avec les membres plus marginalisés.
La peur comme outil de division
Une fois cette peur implantée, une dynamique bien connue s’installe : au lieu de s’opposer à l’extrême droite, les regards se tournent vers l’intérieur de la communauté. Des phrases comme « Les personnes non-binaires compliquent tout, elles nous nuisent » deviennent monnaie courante, réorientant la frustration vers les membres les plus vulnérables.
Ce déplacement de la colère n’est pas anodin. Il fracture artificiellement la communauté entre celles et ceux jugés trop « revendicatifs » et ceux perçus comme « raisonnables » car ayant déjà obtenu certains droits. Cette division mine la solidarité historique qui a permis les avancées collectives du passé.
Un oubli dangereux des luttes passées
Ce repli identitaire fait abstraction d’une vérité historique : les droits obtenus par les personnes cisgenres homosexuelles – comme le mariage ou la reconnaissance légale – sont le fruit de luttes collectives. Les personnes trans, non-binaires, racisées et queers étaient au cœur de ces combats. Omettre leur contribution revient à affaiblir tout le mouvement et à le priver de sa force collective.
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Une technique politique utilisée ailleurs : le cas des mouvements féministes
Cette tactique de division ne se limite pas aux enjeux LGBTIQ+. On la retrouve dans d’autres luttes sociales, notamment dans le féminisme. L’exemple marquant est celui des États-Unis en 2022, lors de la révocation de l’arrêt Roe v. Wade garantissant le droit à l’avortement. Là aussi, au lieu d’unir leurs forces, certains mouvements féministes se sont repliés sur des discours d’exclusion visant particulièrement les femmes trans, offrant ainsi au patriarcat une victoire sans combat.
Ce parallèle souligne que diviser pour mieux régner reste l’un des leviers les plus efficaces pour affaiblir les mouvements de défense des droits.
Une mécanique politique éprouvée
La stratégie réactionnaire suit une logique précise :
- Créer un climat de menace.
- Cibler un sous-groupe privilégié au sein de la minorité.
- Identifier un ennemi intérieur (trans, non-binaires, racisé·e·s, migrant·e·s).
- Laisser la fracture se creuser sans intervenir.
- Renforcer les attaques alors que l’unité est déjà brisée.
Ce schéma, nourri par l’héritage colonial, l’homonationalisme et les discours médiatiques conservateurs, est déployé méthodiquement pour affaiblir la résistance collective.
Pourquoi cette division fonctionne-t-elle si bien ?
La communauté LGBTIQ+ n’échappe pas aux hiérarchies héritées du système patriarcal : les personnes cis y sont souvent plus valorisées que les personnes trans, les blanc·he·s que les racisé·e·s, les valides que les personnes en situation de handicap, les personnes intégrées socialement que les précaires.
Ces lignes de tension internes, bien que rarement reconnues publiquement, sont exploitées par l’extrême droite. Elle s’appuie sur le désir de respectabilité, sur la peur de déplaire à la norme, sur les hésitations face à une solidarité radicale. La peur d’être assimilé aux plus stigmatisé·e·s pousse parfois certains groupes à se distancier pour préserver leur place.
L’unité comme rempart
Ce que redoute réellement l’extrême droite, ce n’est pas la diversité des opinions au sein de la communauté LGBTIQ+, mais sa capacité à rester solidaire malgré ces différences. Les progrès majeurs en matière de droits n’ont été possibles que lorsque l’ensemble des composantes de la communauté – gays, lesbiennes, personnes trans, non-binaires, queers, intersexes, racisé·e·s et précaires – ont lutté ensemble.
À l’inverse, chaque recul est intervenu à la suite d’un affaiblissement de cette unité.
Une solidarité sans compromis
Pour résister efficacement aux assauts d’une extrême droite qui cible simultanément les personnes LGBTIQ+, les migrant·e·s, les personnes musulmanes, racisées ou en situation de précarité, il ne peut y avoir de hiérarchisation des luttes. La seule réponse viable est une solidarité sans exclusion, qui refuse de sacrifier les plus marginalisé·e·s pour préserver les plus intégré·e·s.
C’est dans cette unité pleine et entière que réside le véritable levier de transformation sociale. Toute autre voie ne ferait que reproduire les logiques oppressives qu’il s’agit précisément de combattre.






