Pride rurale Allemagne extrême droite
Une mobilisation queer massive malgré un contexte tendu
Alors que Berlin s’apprête à accueillir jusqu’à 500 000 personnes ce week-end pour le Christopher Street Day (CSD), la plus grande manifestation LGBTQIA+ du pays, l’événement a failli ne pas voir le jour. L’organisation a été fragilisée par le retrait de plusieurs sponsors, notamment américains. En cause : la montée du climat « anti-woke » aux États-Unis, qui a conduit de nombreuses entreprises à renoncer à leurs programmes en faveur de la diversité et de l’inclusion depuis la réélection de Donald Trump. Faute de financements suffisants, il manquait encore 200 000 € à l’association organisatrice au mois de mai. C’est grâce à une campagne de financement participatif que l’événement a pu être maintenu in extremis.
Le drapeau arc-en-ciel banni du Bundestag
Pour la première fois, aucun drapeau arc-en-ciel ne flottera devant le Parlement allemand à l’occasion du CSD. Cette décision de la présidente du Bundestag, Julia Klöckner (CDU), est justifiée par une volonté de préserver la « neutralité » politique de l’institution. Une décision qui a suscité une vive polémique dans le pays, jusqu’à provoquer la réaction du chancelier Friedrich Merz (CDU) lui-même, qui a comparé le Parlement à un « chapiteau de cirque ». Le débat met en lumière un durcissement du climat politique, tant en Allemagne qu’à l’étranger.
La riposte arc-en-ciel dans les campagnes de l’Est
Dans les régions rurales de l’Est allemand, les temps sont également durs pour la communauté LGBTQIA+. L’année dernière, une trentaine de marches des fiertés y ont été la cible de groupuscules néonazis : agressions verbales et physiques, incendies de drapeaux, et parfois, annulations d’événements pour raisons de sécurité. En réponse, des activistes queer de ces zones rurales ont mis sur pied un réseau solidaire au printemps, arborant le slogan : « Nous sommes l’arrière-pays haut en couleurs ! »
Une cinquantaine de défilés solidaires prévus cet été
Ce réseau prévoit d’organiser environ 50 marches des fiertés entre le printemps et l’automne. « En tant que communauté queer de l’Est, nous voulons faire du bruit pour celleux qui ne peuvent pas marcher librement », expliquent-ils sur leur site. L’objectif est clair : soutenir celles et ceux qui doivent cacher leur identité par crainte des violences. Chaque week-end, les militant·e·s affluent pour participer à ces événements dans des localités souvent marquées par une forte présence de l’AfD.
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Des soutiens venus de Berlin
À Berlin, des initiatives comme Pride Soli Ride facilitent le transport des militant·e·s vers les zones rurales, afin de renforcer les mobilisations locales. Une autre plateforme, CSD verteidigen (« défendre le CSD »), met en relation les personnes désireuses de se rendre ensemble à une marche de la fierté. « Nous voulons répondre touxtes ensemble à la menace fasciste », peut-on lire dans l’un de leurs messages publiés sur Instagram.
Violences et menaces toujours présentes
Malgré ces élans de solidarité, les attaques persistent. En juin, une douzaine de néonazis cagoulés ont agressé des participant·e·s à la Fête de la diversité à Bad Freienwalde, une petite ville près de la frontière polonaise. Début juillet, une marche LGBTQIA+ s’est tenue à Falkensee, en périphérie de Berlin, alors que plusieurs dizaines de militants d’extrême droite manifestaient simultanément non loin.
Les activistes de l’Est ne comptent pas relâcher leurs efforts. Leur calendrier de mobilisation s’étend jusqu’au 25 octobre, date du dernier Christopher Street Day de la saison, prévu à Cottbus, à proximité de la Pologne. Dans ce climat de tension, la communauté LGBTQIA+ allemande reste mobilisée et solidaire, consciente qu’elle doit désormais compter avant tout sur ses propres forces.