Des preuves d’amour d’Alice Douard fait résonner une comédie dramatique à la fois politique, drôle et touchante, révélant la complexité du parcours vers la parentalité au sein d’un couple lesbien en France. En posant sa caméra un an après le vote de la loi sur le mariage pour tous, la réalisatrice élargit le débat sur l’accès à la maternité et le droit au bonheur, en s’appuyant sur sa propre histoire. Céline et Nadia, incarnées avec intensité par Ella Rumpf et Monia Chokri, forment un duo lumineux dont le combat juridique et intime pour fonder une famille est transfiguré par une écriture subtile, mêlant humour et réalisme sans concession.
À noter que le film s’inscrit pleinement dans la vague de productions engagées mettant en avant la parentalité et les couples lesbiens, un thème que l’on retrouve également dans notre sélection de films lesbiens méconnus à découvrir ici :
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En bref :
- Une comédie dramatique politique abordant l’accès à la parentalité pour les couples homosexuels français.
- Duo remarquable : Ella Rumpf et Monia Chokri dans une quête de reconnaissance maternelle et familiale.
- Dimension autobiographique forte portée par Alice Douard, continuité de son court-métrage L’Attente.
- Contexte post-loi mariage pour tous : parcours de PMA au Danemark et adoption en France.
- Tonalité positive, montage énergique et regard sans clichés sur la maternité lesbienne contemporaine.
- Présenté à la Semaine de la Critique à Cannes, distribué par Tandem, film français d’actualité.
Contexte social et législatif autour de Des preuves d’amour d’Alice Douard
Le film Des preuves d’amour s’ancre dans une période charnière de la société française. En 2014, un an après l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, la réalité de l’accès à la parentalité pour les couples homosexuels demeure semée d’embûches. Si le mariage ouvre de nouveaux droits, la parentalité, elle, reste restreinte, en particulier pour les femmes lesbiennes, à qui le recours à la PMA en France est encore interdit à cette époque.
Ce contexte de carence juridique oblige de nombreux couples à se tourner vers des solutions éprouvantes. Alice Douard met en exergue cette complexité en retraçant le cheminement de ses protagonistes : la conception de leur enfant par PMA au Danemark, puis la nécessité, pour la mère « non biologique », de procéder à une adoption en France. Ce parcours administratif, souvent douloureux, questionne la légitimité et la conformité sociale imposées aux familles contemporaines.
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| Pays | Accès à la PMA pour couples de femmes (2013-2014) | Adoption conjointe autorisée |
|---|---|---|
| France | Non | Oui (après mariage) |
| Danemark | Oui | Oui |
L’accès à la parentalité pour les couples homosexuels un an après la loi sur le mariage pour tous
Loin de toute théorie abstraite, Des preuves d’amour met en lumière, à travers l’intimité de Céline et Nadia, la tension entre une avancée symbolique – celle du mariage pour tous – et des blocages persistants. À travers leur expérience, le film expose le paradoxe d’un pays affichant l’égalité mais maintenant des obstacles concrets pour des couples comme le leur.
- Difficulté d’accès à la PMA en France : de nombreux couples partent à l’étranger, notamment au Danemark, comme Céline et Nadia dans le film.
- Adoption comme nécessité administrative pour la reconnaissance de la mère non biologique.
- Poids du regard social : voisinage, famille, institutions exigent « des preuves d’amour », au sens propre comme au figuré.
Cadre légal de la PMA au Danemark et l’adoption en France dans le film
Ce climat d’incertitude et de flottement juridique n’est pas simple à vivre : alors que Nadia porte l’enfant conçu grâce à la PMA au Danemark, Céline se retrouve contrainte d’accumuler des documents, des témoignages, de prouver son implication quotidienne pour espérer être reconnue comme mère. Cette mécanique administrative scandée tout au long du film met en exergue les limites de l’égalité promise.
Dans cette dynamique, le film souligne non seulement la violence de certaines pratiques institutionnelles, mais aussi l’inventivité et la résilience du couple. La loi devient une composante indissociable de leur construction familiale, transformant le désir d’enfant en une longue épreuve jalonnée d’humiliations, d’attentes et de frustrations, mais aussi d’alliances et d’élans de solidarité.
Portraits des personnages principaux dans Des preuves d’amour d’Alice Douard
Au centre de Des preuves d’amour se dessinent deux figures complémentaires dont la trajectoire est magistralement interprétée par Ella Rumpf (Céline) et Monia Chokri (Nadia). Leur histoire est celle d’une création familiale en mouvement, où la question de la maternité, du rôle de chaque mère et de la quête de reconnaissance traversent l’intime et l’administratif.
Céline et Nadia : dualité entre maternité porteuse et quête de reconnaissance

Nadia apparaît à l’écran comme la mère porteuse : enceinte, socialement désignée comme la génitrice, elle affronte une surcharge d’attentes et de projections. Céline, quant à elle, incarne l’autre facette de la maternité lesbienne : celle qui, bien que non enceinte, désire s’impliquer pleinement dans le parcours parental, mais doit constamment prouver – à l’État, à la société, parfois même à sa propre mère (Marguerite incarnée par Noémie Lvovsky) – sa légitimité.
- Céline : femme forte, sensible, DJ et ingénieure du son ; recherche obstinément sa place dans la famille.
- Nadia : incarne l’assurance maternelle, mais doit composer avec la société et son propre entourage.
- Marguerite : grand-mère à la fois aimante et déstabilisée, questionne sa fille sur sa voie hors normes.
Métaphore musicale : la profession de DJ et ingénieure du son pour symboliser l’harmonie familiale
Choisir de faire de Céline une DJ et ingénieure du son n’a rien d’anodin. Alice Douard tisse là une métaphore filée : en mixant les sons, les silences, les dissonances et les harmonies, Céline cherche l’équilibre dans la construction de son identité parentale et dans son couple. Sa table de mixage devient l’écho de la scène socio-familiale, où s’inventent de nouvelles mélodies à plusieurs voix.
| Personnage | Acteur/Actrice | Fonction dans la famille | Spécificité |
|---|---|---|---|
| Céline | Ella Rumpf | Mère non porteuse / DJ | Ingénieure du son, quête d’harmonie |
| Nadia | Monia Chokri | Mère porteuse | Expérience de la grossesse, assurance apparente |
| Marguerite | Noémie Lvovsky | Grand-mère | Doute et acceptation |
Les enjeux politiques et sociaux au cœur de Des preuves d’amour d’Alice Douard
Au-delà du récit personnel, Des preuves d’amour brosse une fresque des enjeux politiques et sociaux modernes, en s’attachant à la figure de Céline. Le film dépeint avec acuité l’exigence de légitimité maternelle imposée par la société et l’administration française.
La lutte pour la légitimité maternelle de Céline face à l’administration et aux regards sociaux
En tant que mère non porteuse, Céline doit affronter un labyrinthe administratif qui oblige chaque geste, chaque preuve d’amour ou d’implication concrète, à être consigné. Il s’agit moins, ici, d’un parcours juridique que d’une odyssée émotionnelle visant à faire exister sa place auprès de l’enfant et de la « vraie mère » aux yeux des institutions. Ce dispositif crée une puissante réflexion autour de la notion d’exemplarité parentale, de l’identité sociale, de la vulnérabilité.
- Difficulté à collecter des témoins sincères prêts à s’engager aux côtés de Céline.
- Observation constante du voisinage, de la famille, parfois même des amis.
- Choc entre désir de normalité et injonction à la distinction.
Dimension discriminante et ton humoristique dans la narration du parcours
Alice Douard insuffle un ton délicatement décalé, où le rire, la gêne et l’absurde participent à la résistance. Les situations cocasses (témoins involontaires, maladresses familiales, quiproquos administratifs) éclairent la dimension discriminante du rituel de l’adoption, tout en soulignant l’humanité des personnages. Cette approche permet au film d’éviter l’écueil du misérabilisme, pour préférer la lumière d’une lutte joyeuse et inventive.
C’est à travers ces moments de fragilité partagée, de complicité retrouvée, de maladresse et d’auto-dérision que Des preuves d’amour parvient à transformer un combat intime en réflexion universelle sur la famille choisie et la reconnaissance sociale.
Dimension autobiographique et réception artistique de Des preuves d’amour d’Alice Douard
Ce qui confère à Des preuves d’amour sa profondeur et son authenticité, c’est sans conteste la dimension autobiographique qu’y insuffle Alice Douard. Issue directement de son parcours personnel, la matière émotionnelle du film irrigue chaque scène, apportant une justesse de ton rarement atteinte dans la représentation de la parentalité homosexuelle au cinéma.
Authenticité émotionnelle portée par le vécu personnel de la réalisatrice et la continuité avec L’Attente
Après avoir été remarquée avec son court-métrage primé L’Attente, Alice Douard poursuit ici une réflexion intime sur la création familiale, la filiation et la transmission hors des modèles traditionnels. La mise en scène, d’une sensibilité désarmante, puise dans l’exemple concret de Céline et Nadia pour toucher à l’universel.
- Suite logique de L’Attente, explorant sur un long format le lien mère-fille et la construction de la parentalité.
- Résonance autobiographique qui donne au film sa force et son ton juste, loin des stéréotypes.
- Proposition d’un regard renouvelé sur la joie et la difficulté d’être une famille lesbienne aujourd’hui.
Jeu des actrices Ella Rumpf et Monia Chokri : un portrait non stéréotypé et convaincant
La réussite du film doit aussi beaucoup au jeu complice d’Ella Rumpf et Monia Chokri. Ella Rumpf apporte à Céline une justesse, une tension et une énergie qui évitent tout pathos, tandis que Monia Chokri incarne une Nadia enceinte à la fois rayonnante, inquiète et drôle, loin de tout cliché maternel habituel. Leur interaction, tissée de regards, de rires, de silences et de doutes, forge un portrait de femme moderne, complexe et lumineux.
| Comédienne | Rôle | Caractéristique marquante |
|---|---|---|
| Ella Rumpf | Céline | Interpretation sobre et magnétique, grande justesse |
| Monia Chokri | Nadia | Maternité sans clichés, force et autodérision |
Un mot enfin sur la tonalité, résolument lumineuse, rassembleuse et joyeuse : Des preuves d’amour fait le pari de la normalité et de l’apaisement, proposant, grâce à Tandem et à l’ensemble de son équipe artistique, un modèle enthousiasmant à contre-courant des représentations dramatiques généralement réservées à l’homosexualité à l’écran.
Présenté à la Semaine de la Critique à Cannes et distribué par Tandem, ce film français d’environ 98 minutes marque, en 2025, un jalon dans la visibilisation des couples lesbiens épanouis sur le grand écran. L’onde de choc culturelle provoquée par le film est appelée à perdurer bien au-delà de sa sortie, renforçant la légitimité sociale, familiale et juridique de toutes les formes de parentalité.
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