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La Cour suprême des États-Unis désavoue une tentative conservatrice contre le mariage homosexuel

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Cour suprême désavoue tentative mariage homosexuel
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Cour suprême désavoue tentative mariage homosexuel

Un refus symbolique mais stratégique

Le 10 novembre, la Cour suprême américaine a refusé d’examiner le recours de Kim Davis, ancienne greffière du Kentucky, condamnée pour avoir refusé de délivrer un certificat de mariage à un couple homosexuel. Ce refus, bien que discret en apparence, constitue un signal fort : pour la première fois depuis plusieurs années, la haute juridiction, dominée par une majorité conservatrice, choisit de ne pas se replonger dans un dossier emblématique des droits LGBT+. Ce geste marque un rare répit dans la série de remises en cause récentes de décisions progressistes, comme celle sur le droit à l’avortement.

Une affaire emblématique aux racines anciennes

L’affaire remonte à 2015, lorsqu’après la légalisation du mariage homosexuel dans tout le pays grâce à l’arrêt Obergefell v. Hodges, Kim Davis avait refusé d’enregistrer le mariage de David Ermold et David Moore. Ce refus lui avait valu une incarcération temporaire pour outrage au tribunal, suivie d’une condamnation à verser 100 000 dollars de dommages et intérêts au couple. Soutenue par des organisations chrétiennes conservatrices, elle avait alors saisi la Cour suprême, invoquant sa foi : « Pour moi, ce serait un acte de désobéissance à Dieu », avait-elle déclaré.

La liberté religieuse comme cheval de bataille

Depuis la révocation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022, les milieux conservateurs exploitent largement l’argument de la « liberté religieuse » pour attaquer les avancées sociales. Cette stratégie a porté ses fruits dans des affaires comme Fulton v. Philadelphia (2021), ou encore 303 Creative LLC v. Elenis (2023), où la Cour a statué en faveur de requérants refusant de collaborer avec des couples homosexuels pour des motifs religieux. Plus récemment, l’affaire Chiles v. Colorado, toujours en cours, vise une loi interdisant les « thérapies de conversion », que la plaignante conteste au nom de sa foi.

Une décision motivée par des enjeux techniques et politiques

Contrairement aux affaires précitées, la requête de Kim Davis ne portait pas sur un principe constitutionnel général mais sur sa condamnation individuelle pour désobéissance civile. Ce contexte juridique limité a probablement pesé dans le choix de la Cour de ne pas rouvrir le débat sur Obergefell. Pour Noah Feldman, professeur de droit à Harvard, cité par Bloomberg, ce refus indique que la majorité conservatrice « n’a pas d’intérêt réel à s’attaquer frontalement au mariage homosexuel ».


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Éviter une nouvelle crise de confiance

Les juges conservateurs agiraient également avec prudence pour ne pas provoquer une nouvelle tempête politique. Selon Mark Joseph Stern, journaliste spécialisé à Slate, ils privilégient désormais des attaques indirectes contre les droits des personnes LGBT+ afin d’éviter une levée de boucliers similaire à celle déclenchée par la suppression du droit fédéral à l’avortement. Ce calcul stratégique permettrait d’affaiblir certains droits sans provoquer un choc d’opinion massive.

Un soutien populaire difficile à ignorer

D’autres facteurs concrets renforcent cette prudence, notamment l’adoption du Respect for Marriage Act en 2022. Cette loi, promulguée par le président Joe Biden, impose à tous les États de reconnaître les mariages homosexuels et interraciaux. Par ailleurs, selon l’institut Gallup, entre 68 % et 71 % des Américains adultes soutiennent le mariage entre personnes de même sexe depuis 2021. Des chiffres qui illustrent un consensus social difficile à ignorer par une institution dont la crédibilité a déjà été sérieusement écornée.

La Cour suprême en perte de légitimité

Depuis la décision de 2022 sur l’avortement, la popularité de la Cour suprême a chuté. Selon un sondage du Pew Research Center, elle a perdu 22 points d’opinion favorable depuis 2020. De plus, 86 % des Américains estiment que les juges devraient se détacher de leurs convictions politiques personnelles dans leurs décisions. Dans ce climat, toute décision perçue comme idéologiquement extrême peut coûter cher à la réputation de l’institution.

Une trêve temporaire dans une bataille toujours active

Malgré ce revers pour les conservateurs, la lutte contre le mariage homosexuel ne faiblit pas. Mat Staver, avocat de Kim Davis, a qualifié l’arrêt Obergefell de « fondamentalement erroné » et a promis de continuer à œuvrer pour son annulation. En 2025, selon l’organisation Lambda Legal, au moins neuf États américains ont déjà introduit ou adopté des textes visant à remettre en cause la délivrance de certificats de mariage aux couples de même sexe ou à contester la jurisprudence actuelle.

La décision de la Cour suprême n’est donc pas tant une avancée pour les droits LGBT+ qu’une pause stratégique dans une offensive plus large. Si, pour reprendre les mots de Kelley Robinson, présidente de Human Rights Campaign, « l’amour a encore gagné aujourd’hui », la vigilance reste de mise face à une droite religieuse toujours mobilisée et déterminée à inverser les acquis sociaux des dernières décennies.

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