communauté LGBTQ+ au Sahel
Une militante anonyme, mais déterminée
Pour des raisons de sécurité, impossible de dévoiler son vrai nom, son lieu de résidence ou l’identité de l’organisation qu’elle dirige. Pourtant, sous le pseudonyme de Soleil, cette militante ouest-africaine livre un témoignage rare sur la condition des personnes LGBTQ+ dans la région du Sahel. Malgré les restrictions et les risques, elle et ses collègues poursuivent leur engagement au sein d’une structure qui vient en aide à cette communauté marginalisée, dans des pays où l’homosexualité est souvent criminalisée.
Une réalité inconcevable depuis Montréal
De passage à Montréal en août, Soleil participait à la 3ᵉ Conférence internationale francophone d’Égides, un événement réunissant militant·e·s et chercheur·e·s LGBTQ+ de l’espace francophone. Elle a été frappée par les marques publiques de solidarité – drapeaux arc-en-ciel et célébrations de la Fierté – des images inimaginables dans son pays d’origine, où vivre ouvertement son orientation sexuelle reste dangereux, voire illégal.
Législations hostiles et climat de peur
Au Mali, les relations homosexuelles sont interdites par la loi. Toute personne accusée de faire la « promotion » de l’homosexualité – que ce soit publiquement ou dans un cadre privé – risque jusqu’à sept ans de prison et une lourde amende équivalente à un an de revenu moyen. Soleil explique qu’à ses débuts en 2011, une certaine liberté d’expression existait encore pour les minorités sexuelles et les professionnel·le·s travaillant avec elles. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Le Burkina Faso a interdit l’homosexualité en 2024, suivi peu après par le Mali. En Côte d’Ivoire, bien que l’homosexualité ne soit pas criminalisée, les personnes LGBTQ+ y sont fréquemment victimes de violences, de discriminations dans l’emploi, de refus de soins et de rejet familial. Face à ces dangers, certaines n’ont d’autre choix que de fuir clandestinement vers l’Europe.
Lire aussi : Hausse du nombre de personnes anti-LGBT en Afrique de l’Ouest
Une organisation pour recréer du lien
L’organisation de Soleil intervient principalement dans les domaines de la santé sexuelle, de la défense des droits et de l’accès aux services. Plus encore, elle œuvre à reconstruire un sentiment d’appartenance pour des personnes souvent exclues de leur communauté d’origine. « C’est important que les gens se sentent en sécurité dans notre organisation, qu’ils se sentent écoutés, qu’ils aient l’impression d’être en famille », insiste-t-elle.
Travailler dans la clandestinité
Dans un environnement de plus en plus répressif, communiquer sur les réalités LGBTQ+ devient extrêmement complexe. Soleil et ses collègues adaptent leurs discours et se conforment aux lois pour éviter la répression directe. « Nous ne pouvons plus parler de nous-mêmes comme avant, mais nos activités continuent et notre porte est ouverte », explique-t-elle. Le bouche-à-oreille reste essentiel pour faire connaître leur travail auprès des membres de la communauté.
Des soutiens discrets mais précieux
Malgré les pressions, des alliés existent, parfois inattendus. Soleil évoque le soutien de certain·e·s avocat·e·s, professionnel·le·s de santé et même fonctionnaires, qui les aident à naviguer dans les limites légales. « Certains fonctionnaires nous ont même suggéré la terminologie à utiliser dans notre documentation pour rester conformes aux lois! »
Une aide internationale en recul
Le maintien des activités dépend cependant fortement du financement extérieur. La fermeture de l’USAID en 2025, qui soutenait financièrement des ONG dans plus de 60 pays, a laissé un vide immense. « Avec le départ des bailleurs de fonds […] il y a peu de chances que certaines organisations puissent continuer à vivre et à servir la communauté dans deux ans », alerte-t-elle.
Rester pour continuer la lutte
Malgré les menaces et les difficultés, Soleil refuse de quitter son pays. Elle possède pourtant une formation solide, des contacts internationaux et une famille qui la soutient – un privilège rare. Mais pour elle, l’exil n’est pas une option. « Si je pars, l’organisation ferme. Qui offrira les services à la communauté? […] Partir n’est pas la solution. Il faut continuer à se battre. »
Une conférence pour unir les luttes
La 3ᵉ Conférence internationale francophone d’Égides s’est tenue à Montréal du 31 juillet au 3 août 2025, rassemblant plus de 350 activistes, politicien·ne·s, chercheur·e·s, artistes et philanthropes de plus de 30 pays, avec 450 participant·e·s en ligne. L’événement a permis à des figures comme Soleil de partager leurs combats, de tisser des liens et de rappeler que la solidarité internationale reste essentielle pour soutenir les droits LGBTQ+ dans les régions les plus hostiles.