Une décennie d’irrévérence qui marque Genève à jamais
Durant dix années, GeneVegas a bouleversé la nuit genevoise, déconstruit les normes du drag suisse et ouvert un espace de liberté radicale. À l’occasion de Coup de GRRRâce – The Last GeneVegas on Earth, le collectif propose une ultime célébration de son héritage : un acte festif, politique et libre, destiné à laisser une empreinte durable sur la scène queer, bien au-delà de cette soirée de clôture à la Comédie de Genève.
Naissance d’une faille dans la nuit genevoise
En 2015, Genève apparaissait comme une ville bien ordonnée, où la culture et les nuits se déroulaient dans un cadre prévisible, et où la communauté queer disposait de peu d’espaces d’expression. C’est dans ce contexte que GeneVegas a surgi, non pas comme une simple soirée, mais comme une brèche volontaire, une anomalie revendiquée.
« Une anomalie nécessaire. Le bug qui empêche la matrice genevoise de se croire parfaite », résume La Zizanyx, co-fondatricex du collectif. Iel évoque un manque criant d’espaces où « on ne devait pas négocier notre exisTRANS avant de commander un verre ». Face à ces restrictions, le collectif a pris le parti d’agir : « on a arrêté de demander ET ON A ORGANISÉ. »
Un drag d’émancipation et de transformation
Ainsi est née GeneVegas, une soirée qui ouvrait un passage dans la nuit, un lieu où l’excès devenait un souffle vital, et où le drag ne se limitait plus à la performance d’un genre, mais devenait acte de métamorphose.
L’Écurie : creuset de liberté
Les premières éditions se sont tenues à l’Écurie, lieu modeste mais libérateur. Balkanika Trauma, qui rejoignait alors le collectif, se rappelle : « À l’Écurie, nous avions une liberté totale. On pouvait créer, improviser, expérimenter et exister selon nos propres règles. »
Cette liberté s’impose comme méthode. Le collectif se développe sans plan préétabli, porté par une impulsion commune : offrir un espace à un drag encore sans scène. Un drag queer, hybride, empreint de culture club, de techno, de rave et d’une volonté de rupture avec toute forme de respectabilité.
L’identité queer comme moteur
Pour Lady HD, l’essence de GeneVegas est claire : « Genevegas s’est toujours distinguée par son identité profondément queer. Noux sommes les art punks de la scène drag suisse. » Et La Zizanyx renchérit : « Si ça ne dérange personne, c’est que c’est pas encore assez queer. »
Les débuts sont marqués par la débrouille, l’improvisation, mais aussi la solidarité. Une véritable communauté émerge et la culture s’enracine.
Des mutations constantes
GeneVegas est en perpétuelle transformation. Le collectif évolue autour d’un noyau fluctuant de jusqu’à douze membres, chacun·e·x y apportant sa propre manière d’habiter la nuit.
La Zizanyx décrit cette évolution comme naturelle : « Comme toute bonne créature : on a mué plusieurs fois, perdu des peaux, gagné des nouvelles, et on s’est découvert des organes qu’on ne savait même pas avoir. »
Le passage à la Fonderie Kugler constitue un tournant majeur : plus d’espace, plus de moyens techniques, et un public élargi. « Ce changement nous a permis d’accéder à du matériel professionnel et d’inviter des performeureusexs de plus grande envergure. C’était un avant/après. » explique Balkanika.
Étendre la fête, redéfinir les règles
De lieux alternatifs à des institutions prestigieuses comme le Montreux Jazz Festival ou le Musée d’ethnographie de Genève, GeneVegas n’a cessé d’élargir son champ d’action. « On arrivait avec notre univers, face à un public qui ne nous connaissait pas encore. On devait rééduquer la fête, imposer nos exigences de sécurité et de respect. » rappelle Balkanika Trauma.
Peu à peu, le drag version GeneVegas passe du statut de refuge à celui de vecteur culturel.
Une relève qui embrasse l’héritage
Cristal Couilles représente cette nouvelle génération qui a trouvé dans GeneVegas un espace d’expression. Arrivé comme photographe, il monte rapidement sur scène et se laisse emporter par l’aventure collective.
« Au départ, j’étais impressionné, mais après les performances, c’est plutôt elleux qui avaient peur de moi je crois. » confie-t-il. Ce qu’il retient surtout : « Ce que je voyais de plus incroyable, c’était des personnalités entières. Hors drag, la personne garde son intégrité. C’est ça, le geste artistique le plus sincère. »
Un moment le marque particulièrement : une séance de lecture de contes pour enfants. « Je me suis dit : “Wahou, j’étais cet enfant il n’y a pas si longtemps.” Là, j’ai compris que je faisais partie des anciens. »
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La fête comme acte politique
Pour Balkanika, revenir sur scène une dernière fois, c’est rappeler que « la fête a toujours été un espace de résistance. Même dans la célébration, il ne faut jamais oublier nos convictions et nos luttes. »
Lady HD délivre un message fort : « Lookez-vous. Le monde de la nuit est un experimental playground. N’attendez pas que les choses se créent autour de vous: donnez-leur naissance. Take up space. »
Tous·tes expriment la même idée : GeneVegas a été conçu pour créer un espace d’existence sans concession.
Dernier acte : The Last GeneVegas on Earth
Le 28 novembre 2025, à la Comédie de Genève, se tiendra le dernier épisode de cette aventure. Thème de cette ultime nuit : Physique CUNTique — une plongée dans un univers d’aliens, de reptilien·ne·x·s, de biohacking et de créatures cyber-féministes.
La Zizanyx résume avec humour l’état d’esprit : « La fin du monde est supportable… si t’as de bons faux cils et des gens qui crient ton nom. » Tandis que Cristal Couilles prépare « un petit discours d’adieux pour mes dinosaures préférés ».
Un legs vivant
GeneVegas, ce sont des créatures indomptables, des survivant·e·x·s, des bâtisseur·euse·x·s de lieux inédits. Et même si les soirées ne suivent plus le même rythme, leur impact se poursuit.
Comme le conclut Balkanika Trauma : « Même si la soirée ne se déroule plus avec le même rythme, Genevegas continue d’exister à travers celleux qui ont commencé avec nous. »
Pour une dernière nuit, Genève vibrera comme au premier jour : indisciplinée, habitée par des corps qui n’ont jamais demandé la permission d’exister.
🎭 COUP DE GRRRÂCE – The Last GeneVegas on Earth
📅 Vendredi 28 novembre 2025 – de 20h à 02h
📍 La Comédie de Genève
🔗 @genevegas_gnvgas
Pour célébrer dix années de performances féroces et de création queer indomptée, Genevegas signe sa dernière nuit avec un line-up incandescent, réunissant les figures emblématiques qui ont façonné son histoire et inspiré toute une génération d’artistes.
Au programme : Moon, Chienne de Garde, Sabrina Oberlin, Cristal Couilles, Gigi Lou, Mutant Doll, Drue, Jaja Jadore, Balkanika Trauma, Luna La Nour, Hedera, BB Chance, ainsi que Lady HD, Dance Divine et La Zizanyx (DJx/live).
🎟 Billetterie : comedie.ch






